10 juin 2012
Joe de Paul
LA CHRONIQUE
JOE DE PAUL
Voilà un artiste heureux, conjuguant avec délice et malice, l’art de cloner des personnages multiples, à partir d’un même corps. Et pour réaliser ses expériences personnelles de clonage à but comique mais aussi thérapeutique (Rire Médecins), Joe de Paul se passe allégrement de tous les avis des commissions déontologiques, des contre-indications pudiques et des avis d’expert en art comiques ! Le vivant c’est sa matière !
Mais clowner en clonant c’est une autre difficulté, pour celui qui aime la conjugaison en toute saison, la déclinaison par tous les temps, l’accord des personnes singulières et plurielles à la fois ! Voici donc aujourd’hui, une façon toute grammaticale, de décrire son spectacle: PLACEBO
- Commençant à la première personne du singulier, sortant de sa timidité, le Moi-je apparu, dans toute sa splendeur : avec son affirmation souvent maladroite, et son sérieux déplacé. Ce je fier et arrogant cherchait à prouver aux spectateurs son adresse, sa contenance en toute situation, mais il ne reçut en échange que des rires et des moqueries, le premier ressort du comique faisait son effet ! Car les événements les plus dérisoires de la vie quotidienne, se jouent de cette orgueil jamais au bon endroit, brisent ces élans dans des acrobaties circassiennes et fait de la vie de ces personnes de mauvaise aloi, tous les jours un exploit !
Alors pour sortir de cette réalité collante, la conjugaison à la seconde personne du singulier s’imposa ! Chassant l’orgueil du Joe, Paul tutoya alors le second degré ! S’adressant à chacun de nous, il ouvrit des portes vers un imaginaire ludique, une poésie tendre, se jouant des objets cruels qui le persécutaient, réinventant un autre monde, à l’intérieur de celui-ci .
Et ce n’est qu’à la troisième personne du singulier, la salle me semblait pourtant bien remplie, que le pronom impersonnel fit également son apparition ! On souffla enfin, car c’était des autres dont qu’il parlait assurément, des inconnues en tout état de cause, le clown singea alors ces gens ridicules et mondains ! On aime rire de son prochain !
Mais ce petit bonheur mesquin, ne fut que de courte durée car à la quatrième déclinaison du verbe clowner, le pluriel surgit enfin ! Le Nous était là, ce n’était plus le On commun, anonyme et lointain, mais c’était de nous dont il parlait, en nous apostrophant directement! D’un coup le rideau tomba, l’estrade s’agrandit et le public eut l’impression d’être embarqué dans la scène, pensant s’y noyer un instant, ce ne fut heureusement qu’un petit moment de frénésie entre amis !
Mais quand vint la cinquième personne de cette conjugaison singulière, Mr Sardini , caché sous l’habit du clown surnommé : Joe de Paul, surgit soudain, vouvoyant son destin, acceptant avec grâce son dessein, s’appropriant alors l’image et la dimension de son corps d’esthète .
Et enfin lorsque la troisième personne du pluriel, apparu elle aussi, dernier instant de l’art de clowner, on découvrit subitement, sous les applaudissements des spectateurs, que la salle était finalement bien remplie !
TGautier 2012